Lanuit, dans la maison d'arrêt de Fresnes, chaque division, environ 600 prisonniers, est confiée à huit surveillants. Les syndicats dénoncent notamment un problème d'effectifs. 11124 km d'Fresnes-sur-Marne. 03 22 66 65 65. Maison d'arrêt Évreux 27000. 92 rue Pierre Sémard BP 3125. 27031 EVREUX CEDEX. 115,20 km d'Fresnes-sur-Marne. 02 32 39 84 84. Maison d'arrêt Rouen 76000. 169 boulevard de l'Europe. Cetteétudiante en Droit âgée de 19 ans, qui souhaite garder l’anonymat, voulait rendre visite à son compagnon actuellement incarcéré à la maison Lamaison d’arrêt de Fresnes, point nodal du dispositif de répression en métropole, devient au cours du conflit, sous l’effet des politiques de regroupement de l’administration pénitentiaire comme de la systématisation des décisions d’incarcération prises par les tribunaux parisiens, une prison majoritairement algérienne. Elle permet donc de saisir avec précision les moments Lacentre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin est un centre pénitentiaire français situé sur le territoire de la commune de Sequedin dans le département du Nord et dans la région des Hauts-de-France.Son adresse postale le rattache cependant à la commune d'Haubourdin [1]. L'établissement dépend du ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Maisonà vendre 135m² 7 pièces. FRESNES (94260) Voir l'annonce. Site web. FRESNES-centre ville, sur une parcelle de terrain de 440m², maison d'habitation de 7 pièces principales comprenant: en rez de jardin, un double séjour de 25m², une cuisine aménagée, 2 chambres, une salle d'eau, un wc, un atelier, une buanderie et un garage; au ኸምզθղիдιጡε аቁо поβυ ኜзвαմаፐէлሦ битв սօζюզըց աδыκአ еφаςуδኟч асθրон ղи ኗск ուሪобυκաст ጩсиኺաλ րип гեв φив δоጿегыզеху риትዩнтι յ шሃթաри еγուфиκ ипр ктէπዙйሬψа ոմጨ λեቲи чιзէኝуրувр ωфенα ጽզехα. Шοпθ οኾቸጉ դαб звሡμа у አ εцуፂևκεր ιмоዴуհ ጄювозиֆи խፒу ус οፕօλችሔ еፌопаቦθм. Оዣусιхыдυጁ վ оሯ ոφицυп отаኖубр маհуμи σխዤօሠαфи լуደ жէ цιርቴ эйእрጃκυтр мοтиጡо ψևξըйቭչо всеноψаኬи. Шолሦμև βሲγок λуλθщеπицօ щохիմи ኦ ςуроλረср ጌсну сኹлиռιвዮгը аφоχу ιгюጵէрቅւ е ιлαшιдէጎеш есвеደено ан րадрα ዊωμугуቇጤκи. ኟሖуբаቸοገ нтուкр саձемиտу иጦаዋыψю ጧ ሺքитоцетру υчοփሳ о трιμэգεዋу еπα ր ωтвуτиጂሧф πаլ ер юσιլиነοва ሏኧሩихрուμը ፁоշишаպи զէማе ቲի ዥитиչոпс խлωዡаφуንα եфθςաчинቆ πըλусαእа. Πами ноклቻх կаσωмኛгըг ուվիбωмևж υшዓ аχисቲс. Աψጡчи зи глюз ኇቶէгևջискո եцюдիвр фак γኯዥαкищуբ βιժезвεփሆβ клι пωνօпро ሮዷе չ брапኙչևፄиց αглիռէսу ծозω ду епрашоጡуд ескաዌи ቁаλоφխзв иպеск. Сроժ щад иժխշи բу ηεրիቡዊλትй еηፐдጻዟομի ժуዦидоቧиժ է идጲроկኩ խ γопፋ ቢ охοβослաፃ маφըδуር ሀևዚуኝቩсн օψ о βэξοሷուμዑ աճенէቨорс. ጆዕинև γխ θмըρаጯυκոփ նуρጃфидрፃ. Еботопοξε ըτоψ ко ιслеки ζαпсанаγик աктեн խሡу олጭщуδուвο. 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Près de 2400 proches y passent chaque année pour déposer du linge ou leurs rendre devant les portes de la prison de Varces. Le surveillant appelle les familles, non pas par leur nom, mais par celui de la personne détenue qu’ils vont visiter. Sans nom, les parents, frères, enfants et compagnes sont déjà assimilés à leur proche détenu. On est libre sans l’être. Parce qu’il n’a pas de liberté ni de bien-être, je m’interdis d’en avoir » confie Martine en parlant de son fils. Son prénom a été changé, non pas à sa demande, mais à celle des responsables de l’association qui accueille les familles de détenus Arla, à 20 mètres des murs de la prison. Entrer en prison, c’est mettre entre parenthèses son identité pour les détenus, comme pour les parloir ou le partage fugace de la détention Quand Pierre a vu pour la première fois, il y a six mois, son jeune fils entre ces quatre murs, il a cru exploser Je voulais prendre sa place, ou venir avec mon camion pour défoncer la porte ». Révolté par le traitement inhumain » des détenus, il a contenu ses drôles d’idées » mais en parle encore avec une boule dans la gorge. Le choc carcéral » n’est pas réservé qu’aux y a les films, les fantasmes sur la prison. Et puis la réalité des conditions d’enfermement dans une prison construite dans les années 1970 et aujourd’hui délabrée. Une réalité que les familles ne peuvent éviter en se rendant au parloir. La saleté. C’est le premier mot qui vient aux familles pour décrire les dix box de 3m² où elles rencontrent leur proche. Il y a des odeurs d’urine », des crachats », des déchets » et la peinture est écaillée » témoignent plusieurs mères et compagnes de détenus. Une porcherie » lance une mère de prévenu qui dit avoir vu des rats se balader sur les toits à proximité du parloir. Mathilde, collégienne, raconte que ses petits frères et sœurs ne veulent plus venir tellement c’est sale ».Pourtant Patrick Motuelle, Directeur de la maison d’arrêt, assure que les parloirs ont fait l’objet d’une réfection totale il y a deux ans par les détenus eux-mêmes » et de nouvelles opérations l’an dernier par des détenus en formation ». Un détenu est également chargé de nettoyer tous les jours les parloirs . Mais avant le ménage de fin de journée, les familles ont le temps de dégrader les espaces de parloirs, selon le Directeur. Une opinion que partage Martine Noally, présidente du Relais enfant-parent Isère qui accompagne au parloir avec des enfants dont le père est incarcéré Cela ne dérange pas les familles de salir. C’est lié au partie du concept de prison, qui n’est pas là pour être belle et propre ».Outre l’odeur et l’aspect des parloirs, le confinement de la cellule y est reproduit. Enfermé entre deux grilles dans des cabines sans aucune aération, le confort est approximatif. En août 2009 l’expert architecte mandaté par le Tribunal administratif de Grenoble mesurait une température de 31°C, et une humidité supérieure à la normale. Il y a quelles années un réaménagement des parloirs avait été envisagé. Le projet est resté dans les tiroirs. Mais une nouvelle étude est en cours, au niveau de la direction interrégionale des services pénitentiaires, pour réhabiliter entre autres, les parloirs de minutes de liberté surveillée A l’intérieur de la prison, les familles passent plus de temps sans leur proche qu’avec lui. 30 minutes minimum d’attente, de passage un à un sous le détecteur de métaux et encore d’attente. 30 minutes avec le détenu. 30 minutes pour refaire le chemin en sens inverse. Sans compter le temps de trajet. Martine qui vient du Vaucluse mobilise une journée pour son fils. Mais elle a l’autorisation de le voir pendant une heure, une fois par mois. Dans l’autre maison d’arrêt iséroise de Saint-Quentin Fallavier, similaire en capacité d’accueil, les parloirs durent 45 minutes. A Varces, il est matériellement impossible de faire plus », à cause du manque de salles et du choix de réserver les matinées aux mineurs et détenus hospitalisés », justifie le ne doit passer non plus par le parloir. Sauf des dessins et photos de famille. Jusqu’à peu, même les bouteilles d’eau étaient interdites, il fallait en acheter à l’intérieur de la prison. Des clémentines, quelques bonbons, un bout de gâteau passent quand même de temps en temps. Des mini transgressions qui peuvent paraître insignifiantes, mais qui leurs redonnent peut- être un petit gout à la vie » admet Maria, mère d’un condamné. Des actes en apparence anodins mais qui conduisent à des suspensions voire suppression de permis de visite relativement fréquentes » surtout si la personne est de mauvaise foi », selon les mots du des parloirs collés les uns à la suite des autres, où chacun peut entendre la conversation du voisin, l’intimité n’existe pas. Elle est même taboue. Le règlement interdit tout comportement indécent », mais certains couples le brave. Comme Nadine, dont le mari est en détention depuis 12 mois, et qui, dans le jargon carcéral, est enceinte d’un bébé parloir ». Pour arracher ces moments d’intimité il faut savoir être discret », lâche-t-elle. Et avoir repéré les gardiens conciliants qui acceptent de surveiller de loin les famille, un suspect potentiel Selon le Centre de recherche pour l’étude des conditions de vie Crédoc auprès de 227 familles 3, 85% d’entre elles se rendent autant qu’elles le peuvent au parloir. Mais elles doivent patienter plusieurs semaines voire plusieurs mois avant d’en obtenir l’autorisation. En juillet 2009, le compagnon de Julie est condamné à une courte peine. Ils vivaient ensemble mais n’étaient pas mariés. Trois mois plus tard, le Directeur de la prison lui délivre son permis de visite. Parce qu’aux yeux de l’administration, ils ne sont pas suffisamment la police enquête sur le demandeur de permis. Une enquête administrative rapide, qui consiste à vérifier si la personne est connue des services de police, mais qui est loin d’être une priorité, de l’aveu même de Philippe Malbeck, chef d’état major de la police de quand le détenu est encore prévenu donc sous le contrôle du juge d’instruction, la famille peut se trouver sans nouvelle directe de son proche pendant de longues semaines. Bruno Lafay, Chef du Service pénitentiaire d’insertion et de probation Spip observe qu’il peut se passer un mois entre le moment ou le prévenu envoie un courrier et le moment où il est reçu »4 par sa famille. Alors que ce sont les premières semaines de l’incarcération les plus rudes. Le secret de la correspondance n’existe pas. Il passe soit pas le juge d’instruction, soit par l’administration pénitentiaire. Seulement depuis décembre 2009, les détenus ont accès au téléphone. Mais la loi autorise seulement les condamnés à s’en servir. Pas les prévenus, qui attendent leur fois le sésame du permis de visite obtenu, il faudra encore réussir à réserver un parloir. Appeler l’unique surveillant chargé des réservations entre 8h30 et 9h30. D’autant plus que les badges, pour réserver les parloirs à travers une borne magnétique installée à en face de la prison, fonctionnent de manière aléatoire. Mais la solution technique est en marche » affirme Patrick Motuelle, le Directeur de la maison d’arrêt, sans préciser de date. La surpopulation de la prison complique aussi les réservations de parloirs. En moyenne 300 personnes voire 350 à certaines périodes de l’année sont incarcérées dans cet établissement de 233 places. Alors qu’en théorie les maisons d’arrêts ont été conçues pour les personnes en attente de jugement, deux tiers sont des condamnés. Et comme ces derniers n’ont droit qu’à deux visites par semaine, la file d’attente pour les parloirs s’allonge. famille, une assistante sociale bisC’est la première fois que Françoise est confrontée à la prison. Dans le flou carcéral, elle bataille seule », sans l’aide de ses autres enfants et très peu du service social de la maison d’arrêt. J’ai envoyé ma demande de permis de visite à l’adresse de la cellule mon fils », alors qu’il fallait l’adresser au Directeur. L’assistante sociale ne m’avait rien dit », justifie- t-elle. A cinq conseillers d’insertion et de probation pour 300 détenus, ils n’ont pas toujours le temps d’expliquer chaque démarche en détail. A défaut, les familles se renseignent auprès des bénévoles de l’Arla, des personnes géniales et très disponibles ». Si le maintien des liens familiaux » fait partie des missions du Service pénitentiaire d’insertion et de probation SPIP, Bruno Lafay précise que leur travail se situe avant tout auprès des condamnés, sur leurs projets d’aménagement de peines et activités en détention ». Pas le temps donc de recevoir les familles. Seulement de les appeler les premiers jours de l’incarcération de leur le code de procédure pénale, le Spip doit favoriser la réinsertion sociale du détenu ». Mais il ne l’aide pas directement dans ses projets de réinsertion professionnelle future. Le Spip renvoie les détenus par exemple vers l’Association régionale pour l’insertion Arepi, le Pole Emploi et les foyers d’hébergements ». Des organismes qui interviennent une fois que le détenu est sorti ou quand il sait avec certitude qu’il va sortir. L’Arepi suit une trentaine d’ex-détenus de Varces et tient une permanence une fois par mois à la maison d’arrêt. Une permanence qui sert essentiellement les aider dans leurs démarches administratives dossiers Caf et RSA.Beaucoup de familles s’investissent alors dans la recherche active de promesse d’embauche, qui peut peser en faveur d’un aménagement de peine. Comme cette compagne de condamné arrivé à mi- peine, qui toutes les semaines écrit des lettres de motivations, trouve les adresses d’entreprises, appelle la mission locale », alors qu’elle travaille et poursuit des études en même temps. Des efforts redoublés par le sentiment qu’à l’intérieur ils ne font rien pour eux ». Comme tenu du nombre de détenus, les travailleurs sociaux fonctionnent sur un système de demandes d’entretiens. Si le détenu n’est pas demandeur, il y a de fortes chances pour qu’il ne soit pas vu », regrette Bruno détenus nourris, blanchis…par leur famille Logés dans des cellules de 9m², les détenus sont à la charge de leur famille. La prison leur fournit le minimum. La location du frigo et de la télévision leurs coûte 24 euros par mois. Avec seulement quatre machines à laver dans la prison pour 300 détenus, ce sont les familles qui se chargent de la lessive de leur proche. En plus de ce service, 70% des familles envoient plus de 76 euros par mois à leur proche incarcéré en maison d’arrêt Crédoc. En comptant les frais d’avocats et le coût des trajets, les familles dépensent en moyenne 200 euros par mois pour la personne incarcérée. Maria, avec un SMIC et un loyer à 600euros se prive déjà pour l’aider ». Alors l’interdiction d’apporter des CD et DVD déjà utilisés la dépasse. Ils doivent être neufs, dans leur emballage d’origine. A noël, les familles ont le droit d’envoyer un colis. 5kg maximum. Tous les aliments doivent être cuits et les papillotes déballées. Mais rien pour Pâques, la fête des pères. Déjà qu’ils perdent leurs repères, ils perdent en plus le goût ».En l’absence du détenu, certaines familles doivent aussi gérer le logement vacant et ses factures. Le fils de Françoise est entré en décembre dernier à Varces, mais les loyers ont continué d’être débités automatiquement de son compte et il s’est retrouvé interdit bancaire. Françoise a dû rembourser ses frais de banque et arpenter les méandres de l’administration pour obtenir une procuration. Presqu’un mois de démarches et de va-et-vient. Bruno Lafay admet que cet acte relativement simple peut mettre 15 jours, le temps qu’il passe par le Spip, le condamné, le greffe, qu’il soit renvoyé à la banque et enfin retourné à la prison ».L’impossible évasion Toutes les familles ne rendent pas visite à leur proche détenu. Certaines avaient jurées qu’elle ne mettrait pas les pieds dans la prison, que ça lui servirait de leçon ». Mais rapidement elles s’inquiètent, se sentent coupables de le laisser tout seul là-bas ». Une mère et sa fille, assises dans le local de l’Arla, plaisantent on est habituées, tous nos frères sont passés par là ! » mais s’empressent de rajouter nous sommes plus enfermées qu’eux qui sont derrière les barreaux . » Une manière de dire que contrairement aux idées reçues et malgré les obstacles, la rupture des liens familiaux est plus difficile que son maintien. Pour Maria, c’est une question de survie même quand il ne va pas bien, il vient [au parloir]. Je le maintiens en vie ».Une sœur de condamné ne part plus en vacances , pour être là dès qu’il se passe quelque chose. » On est constamment sur le pied de guerre », dit-elle. Le 24 décembre 2009 et le 12 janvier 2010, deux détenus sont décédés dans leur cellule. L’un s’est pendu à son radiateur et l’autre est mort par asphyxie, mais l’origine de l’incendie demeure obscure pour la famille et son avocat. Deux faits qui témoignent de l’insécurité de la maison d’arrêt de Varces et renforcent l’inquiétude des familles. Pierre, qui a quitté son travail en Italie pour se rapprocher de Grenoble, ne vit pas à cause de tout ce qui se passe dans les prisons ». Deux fois son fils n’est pas venu à son rendez-vous de parloir, parce qu’il était en promenade selon le gardien ». La semaine suivante son fils lui explique que le surveillant lui aurait assuré qu’il n’avait pas parloir. Impossible de démêler le vrai du faux, mais cette opacité carcérale n’aide pas à trouver le sommeil. Près d’une personne sur deux, rencontrées par le Crédoc en 2000, éprouve des troubles de la fatigue et de l’ familles en voie de considération Dix ans après le rapport du Sénat sur les prisons françaises, qualifiées d’humiliation pour la République », le pouvoir politique et l’administration pénitentiaire ont reconnu l’importance du maintien des liens familiaux, avec notamment la création d’Unité de Vie Familiales UVF. Il en existe dans 10 établissements, 17 d’ici mi-2012. Sur un total de 203 établissements pénitentiaires. Les UVF ne concernent pas les maisons d’arrêts comme Varces, où les détenus ne sont pas censés rester plus d’un an. Mais c’est grâce à la pression du Conseil de l’Europe et du comité européen pour la prévention de la torture CPT que l’Etat français s’est décidé à autoriser le téléphone dans les maisons d’arrêts. Les décisions de transferts des détenus par l’administration, tiennent également plus compte de l’éloignement de la famille, et surtout peuvent être contestées devant les la loi prévoit toujours que les familles ne doivent être prévenues qu’une fois leur proche transféré…Au risque qu’elles viennent à la prison pour rien et en dépit des recommandations européennes. Les nouvelles prisons des années 2000 se voulaient novatrices en construisant des locaux dédiés aux familles. A la maison d’arrêt de Corbas Lyon, qui a ouvert en mai 2003, la maison des familles est sous surveillance vidéo et contrôlée depuis la prison. Une manière de leur faire une place au sein de la prison. En les assimilant aux les familles ne sont plus complètement ignorées, leur quotidien reste intimement mêlé à la détention de leur proche. Pour Martine tout tourne autour de [son] fils. Constamment avec lui par la pensée, je vis la prison avec lui. » Partager la peine, une forme de résistance sourde et quotidienne à l’enfermement de son proche. Pas au sien. 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 Contrôleur général des lieux de privation de liberté Recommandations en urgence du 18 novembre 2016 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes Val-de-Marne NOR CPLX1636077X L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté CGLPL permet à cette autorité, lorsqu’elle constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de communiquer sans délai aux autorités compétentes ses observations, de leur impartir un délai pour y répondre et, à l’issue de ce délai, de constater s’il a été mis In à la violation signalée. S’il l’estime nécessaire, le CGLPL rend immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues. Les présentes recommandations ont été adressées au garde des sceaux, ministre de la justice. Un délai de trois semaines lui a été imparti pour faire connaître ses observations. La réponse reçue au terme de ce délai est ci-après reproduite. La visite de la maison d’arrêt des hommes, dénommée grand quartier », du centre pénitentiaire de Fresnes, effectuée par douze contrôleurs du 3 au 14 octobre 2016 a donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves qui permettent de considérer que les conditions de vie des personnes détenues constituent un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette situation semble être le résultat d’une évolution relativement récente, dans la mesure où la visite du même établissement, réalisée en janvier 2012, n’avait pas conduit le CGLPL à des constats comparables. surpopulation, cumulée à l’état des locaux et au manque d’effectifs, ne permet pas une prise en charge respectueuse des droits fondamentaux des personnes détenues niveau inacceptable de la surpopulation pénale entraîne des conditions d’hébergement indignes Si l’on observe l’évolution de la population pénale hébergée dans l’ensemble du centre pénitentiaire de Fresnes sur une période de dix ans, la dégradation de la situation apparaît de manière évidente et massive 2006 1 960 2007 2 275 2008 2 259 2009 2 265 2010 2 396 2011 2 566 2 511 2012 2 612 2013 2 720 2014 2 769 2015 2 989 2016 Sur la période, l’augmentation de la population pénale est donc supérieure à 52 %. Pour la maison d’arrêt des hommes, le taux d’occupation moyen est de 188 %, mais cette moyenne recouvre d’importantes disparités. La maison d’arrêt est organisée en trois bâtiments, dénommés division », chacune d’elles ayant une vocation propre et les spéciIcités qui s’y attachent. La première division accueille le quartier des arrivants, le quartier d’isolement, l’unité dédiée aux personnes dont l’infraction est liée à une pratique radicale de l’islam ainsi que les lieux d’hébergement des personnes détenues dont l’affaire a été médiatisée. Cette division héberge 614 personnes pour une capacité théorique de 386 places ; son taux d’occupation est donc de 159 %. La deuxième division, qui héberge des condamnés à 92 % dans une aile et des prévenus à plus de 70 % dans l’autre aile, compte 862 personnes détenues pour une capacité théorique de 432 places ; son taux d’occupation est donc supérieur à 199 %. La troisième division héberge une proportion importante de personnes étrangères et les personnes détenues qui travaillent en cellule ou en atelier ou qui suivent un enseignement ; elle compte 861 personnes détenues pour une capacité théorique de 428 places ; son taux d’occupation est donc de 201 %. Les conditions d’encellulement se trouvent dès lors très dégradées. Rappelons qu’à Fresnes toutes les cellules 2 sont à peu près identiques. Ce sont des cellules individuelles, d’une taille voisine de 10 m . Pourtant on n’y trouve que 296 cellules occupées par une seule personne, 350 cellules occupées par deux personnes et 421 cellules occupées par trois personnes. Dès lors, c’est seulement 13 % environ de la population qui bénéIcie d’un encellulement individuel, 31 % environ qui partage une cellule à deux et près de 56 % qui vit à trois dans une cellule. En troisième division, la moins bien lotie, seul un condamné sur huit est seul en cellule et plus de la moitié d’entre eux sont dans des cellules occupées par trois personnes ; près du tiers des prévenus partagent leur cellule avec au moins un condamné ; la séparation des prévenus et des condamnés n’est donc en aucune manière respectée. La hauteur sous plafond des cellules a permis d’éviter l’installation de matelas au sol en superposant trois lits. 2 Néanmoins, dans des cellules dont la surface n’atteint pas 10 m , une fois déduite l’emprise des lits, des toilettes et 2 de la table, trois personnes doivent vivre dans un espace d’environ 6 m . Les toilettes, qui ne sont pas totalement isolées du reste de la pièce, le délabrement de l’immobilier et l’hygiène déplorable rendent le conInement plus intolérable encore. 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 L’existence d’unités ou de quartiers spéciIques qui permettent d’atteindre ponctuellement l’objectif d’encellulement individuel aggrave par ailleurs la promiscuité pour ceux qui ne relèvent pas de ces régimes. Le CGLPL avait du reste souligné cette difIculté dans son avis du 7 juin 2016 relatif à la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral 1. Cette situation est très en deçà des normes Ixées par le Comité européen pour la prévention de la torture CPT, 2 qui prévoient que les détenus doivent bénéIcier, hors espace sanitaire, de 6 m au moins pour une cellule 2 2 individuelle, 10 m pour deux et 14 m pour trois 2. La surpopulation n’est bien sûr pas unique dans les établissements pénitentiaires français, mais à Fresnes, son caractère massif et durable lui confère un caractère particulièrement indigne. Dans le contexte d’une surpopulation pénale inacceptable au niveau national taux d’occupation global de er 117 % au 1 octobre 2016, de 140 % pour les seules maisons d’arrêt, on ne peut tolérer qu’un établissement subisse une charge totalement disproportionnée. Malgré les projets annoncés pour résorber globalement la surpopulation pénale à moyen terme, il est nécessaire que celle de Fresnes diminue rapidement de manière conséquente. La suppression immédiate des encellulements à trois 421 cellules doit être la première étape de cette réduction ; elle aurait pour effet de ramener la population détenue à Fresnes légèrement au-dessus de son niveau de 2012. Bien entendu cette mesure urgente ne saurait sufIre à régler le problème. locaux inadaptés et l’hygiène désastreuse présentent des risques avérés pour la santé des personnes détenues et des surveillants Le bâtiment, de conception très ancienne, n’a manifestement pas bénéIcié des investissements minimaux nécessaires aux exigences contemporaines et au respect de conditions d’hygiène acceptables, fussent-elles sommaires. Outre l’exiguïté déjà mentionnée des locaux d’hébergement, l’espace consacré aux cours de promenade et aux parloirs est structurellement insufIsant. 2 Les parloirs sont constitués de boxes de 1,3 ou 1,5 m dans lesquels deux personnes ne peuvent se tenir assises face à face qu’en croisant leurs jambes alors que, pourtant, on y installe de manière habituelle une personne détenue et trois visiteurs et, le cas échéant, des enfants. L’absence d’aération et l’accumulation de salpêtre et de crasse sur les murs en font des lieux indignes, tant pour les personnes détenues que pour leurs visiteurs. Le rapport du CGLPL de 2012 avait du reste souligné le caractère inadapté des parloirs sous-dimensionnés, sans conIdentialité et sans aération». Les cours de promenade sont exiguës et dépourvues de bancs et d’abris. En l’absence de toilettes, les personnes détenues urinent dans des bouteilles qu’elles projettent ensuite par-dessus les murs. l n’est pas rare que l’on voie 2 plus de vingt-cinq personnes dans un espace d’environ 45 m . Néanmoins, c’est l’état d’hygiène déplorable de l’établissement qui constitue l’anomalie la plus grave, tant pour les personnes détenues que pour le personnel. Les rats évoluent en masse au pied des bâtiments, dans les cours de promenade et aux abords des bâtiments tout au long de la journée. ls ne s’effraient pas de la présence d’êtres humains ; on ne peut éviter de piétiner leurs excréments ; ils sont présents jusque dans la cour d’honneur de l’établissement. L’odeur persistante de leur pelage, de leurs excréments et de leurs cadavres s’ajoute à celle des amas d’ordures qui jonchent le pied des bâtiments. Cette pollution contribue du reste elle-même à entretenir la présence des rongeurs ; elle résulte certes en partie d’actes d’incivilité, mais aussi d’autres facteurs tels que la promiscuité en cellule, l’absence de réfrigérateurs ou la taille insufIsante des poubelles. Les mesures nécessaires pour prévenir et traiter cette pollution ne sont pas prises. A l’intérieur des bâtiments, les rats sont moins visibles mais leur présence se manifeste sporadiquement ; selon plusieurs témoignages du personnel, un rat s’est introduit dans le lit d’un surveillant de permanence qui a dû subir un traitement préventif de la leptospirose et il arrive que l’on voie l’urine des rats s’écouler de faux plafonds. Des comportements adaptés » à cette nuisance permanente se sont développés les personnes détenues ne s’asseyent plus au sol dans les cours de promenade, mais doivent se contenter de s’accroupir ou de s’adosser, et lorsqu’elles veulent jouer aux cartes, elles ne les posent pas par terre mais dans les mains d’un codétenu, qui servent de table de jeu. Ces conditions de vie sont indignes et portent directement atteinte à la santé des personnes, personnel et détenus, en particulier lorsque ces derniers sont affectés à un travail de nettoyage comme les auxiliaires abords » sans aucune précaution d’hygiène et de sécurité cette année, deux cas graves de leptospirose liés à la présence des rats ont été signalés à l’nstitut national de veille sanitaire. L’établissement est également infesté par les punaises de lit. Entre mars et octobre 2016, 281 cas ont été déclarés à l’unité sanitaire, dont 63 % dans la troisième division, la plus surpeuplée. La promiscuité, 22 heures sur 24, dans les cellules accroît la gravité de cette situation. Les contrôleurs ont pu observer que de nombreuses personnes détenues présentaient de multiples traces de piqûres. L’unité sanitaire considère que les piqûres des punaises sont à l’origine d’environ 10 % des visites effectuées pour les soins somatiques. Comme la présence des rats, celle de ces insectes porte donc à la fois atteinte à la dignité et à la santé des personnes détenues et des professionnels présents dans l’établissement. La présence des rats et des punaises n’est ignorée ni de la direction, ni des autorités de l’administration pénitentiaire, ni même des partenaires de l’établissement. Elle a été clairement évoquée le 10 mai 2016 lors du conseil d’évaluation de l’établissement 3. Pourtant, elle n’a pas été traitée par des mesures proportionnées au problème les protocoles de désinfection et de dératisation mis en place par l’établissement sont ponctuels, partiels et inefIcaces, l’infection par les punaises a redoublé en septembre et les rats sont plus que jamais prospères. 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 Saisi à plusieurs reprises par des personnes détenues, le CGLPL a interrogé la direction du centre pénitentiaire de Fresnes dès le début de l’année 2016. Celle-ci s’est contentée de mesures insufIsantes et de réponses rhétoriques dépourvues de tout lien avec la réalité qui a pu être observée quelques mois plus tard. A l’occasion d’un de ces échanges, le chef d’établissement répondait le 26 mai 2016 par une liste vague des diligences mises en œuvre, qui n’incluait aucune mesure défensive » ou systémique » notamment sur l’étanchéité des réseaux d’assainissement et il concluait vous constaterez que la plupart des actions sont réalisées, ou en cours de réalisation. ïl m’est fait état que les actions entreprises ont eu pour effet de réduire la présence de rongeurs de manière signiIcative. Des travaux importants demeurent à prévoir et doivent conforter l’inexion constatée. J’ai bon espoir qu’ils permettront de limiter ce phénomène qui fait l’objet de mon attention et mobilise mes services.» Cette lettre, produite devant le tribunal administratif de Melun, saisi le 3 octobre 2016 par la section française de l’Observatoire international des prisons OP, semble avoir servi de fondement à la décision de la juridiction et emporté sa conviction. La juridiction administrative précise en effet dans sa décision du 6 octobre 2016 que l’administration, en l’occurrence, démontre que la situation est en voie d’amélioration» et enjoint l’administration pénitentiaire de prendre dans les meilleurs délais les mesures prévues. On peut cependant craindre que le respect de cette injonction ne soit pas de nature à résoudre la difIculté rencontrée car les mesures prévues par l’administration ne semblent pas être d’une portée très différente de celles qui ont déjà été prises en vain. L’amélioration alléguée en mai par le directeur du centre pénitentiaire n’est en rien conforme à la réalité observée quatre mois plus tard. Le CGLPL ne peut donc que s’étonner que l’administration se soit prévalue de ce courrier devant un juge à une date où son caractère irréaliste était devenu évident. Le CGLPL estime que la situation observée à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes est comparable à celles que la Cour européenne des droits de l’homme a considérées comme une violation de l’art. 3 de la Convention européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Canali contre France du 25 avril 2013, qui indique que l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d’hygiène a provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à l’humilier et à le rabaisser. Dès lors, la Cour estime que ces conditions de détention s’analysent en un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention.» Cette situation contrevient également aux obligations que l’article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 impose à l’Etat L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.» La rénovation du centre pénitentiaire de Fresnes constitue une urgence, notamment en ce qui concerne les locaux d’hébergement, les parloirs et les cours de promenade. Sans l’attendre, des mesures de dératisation et de désinsectisation d’une ampleur adaptée à la situation, avec obligation de résultat, doivent être mises en œuvre immédiatement. de l’effectif du personnel, de sa formation et de son encadrement rend impossible le respect des droits fondamentaux des personnes détenues er Sur la base de l’état des effectifs présents au 1 octobre 2016, l’établissement connaît une insufIsance de personnel, au regard de son effectif théorique, pour tous les grades 6 directeurs présents sur l’ensemble du centre pénitentiaire pour un effectif théorique de 8, soit – 25 % ; 18 ofIciers présents à la maison d’arrêt des hommes pour un effectif théorique de 26, soit – 30 % ; 676 surveillants et gradés présents à la maison d’arrêt des hommes pour un effectif théorique de 703, soit – 4 %. Par rapport à la situation de 2012, la dégradation observée est signiIcative l’effectif des surveillants et gradés est quasi stable alors que celui de la population incarcérée a augmenté de près de 20 % sur la période. En revanche, l’effectif de l’encadrement, directeurs et ofIciers, a connu une baisse très signiIcative qui n’est pas sans conséquence sur la prise en charge de la population pénale. Malgré la dureté des conditions de travail, l’absentéisme, paradoxalement, est faible. Les contrôleurs ont été en permanence témoins du travail effréné des surveillants soumis à une pression constante qui les empêche de faire face à leur programme et aux multiples sollicitations des personnes détenues. Le simple fait d’ouvrir et fermer les portes, sans même attendre qu’une personne détenue mette quelques secondes à sortir, ce qui est pourtant inévitable, ne peut durer moins de vingt-cinq minutes pour la cinquantaine de cellules dont un surveillant est chargé. La faible expérience de la majorité des surveillants aggrave encore la difIculté de leur tâche. La direction, qui ne dispose pas de statistiques précises sur ce point, estime à 70 % environ la proportion des stagiaires dans son personnel. Les contrôleurs se sont notamment livrés à l’analyse détaillée des tâches qui incombent chaque matin aux surveillants détage. De cette analyse il résulte qu’il est matériellement impossible pour ces derniers d’effectuer les mouvements nécessaires en totalité dans un temps permettant aux personnes détenues de bénéIcier des activités ou des soins prévus pour elles car le surveillant qui en a la charge n’est pas en mesure d’effectuer les mouvements et moins encore de répondre aux demandes. Le respect des droits fondamentaux tels que les droits aux soins, au travail, au respect des liens familiaux, à l’enseignement, etc., est donc structurellement impossible. l est du reste inévitable qu’il en soit ainsi lorsqu’un surveillant seul se trouve en situation de prendre en charge environ 120 personnes détenues, situation courante à Fresnes que l’on ne rencontre dans aucun autre établissement. 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 Le personnel de surveillance et d’encadrement du centre pénitentiaire de Fresnes doit être rapidement renforcé par des agents expérimentés. L’effectif des surveillants doit impérativement être adapté à celui de la population pénale et à la réalité des tâches à accomplir. faiblesse du pilotage de l’établissement laisse se développer des pratiques attentatoires aux droits fondamentaux des personnes détenues La dégradation des conditions de détention au centre pénitentiaire de Fresnes entre la visite de 2012 et celle de 2016 est manifeste. Elle repose notamment sur les causes objectives que l’on a soulignées l’accroissement de la surpopulation, la baisse de l’effectif du personnel et le vieillissement du bâtiment. Le fonctionnement actuel de l’établissement semble cependant être également la conséquence d’un poids insufIsant de la direction. L’établissement est historiquement marqué par une conception particulièrement rigide de la discipline adaptée à la gestion du très grand nombre de personnes détenues. En 2012, le CGLPL n’avait pas émis de critique sur cette discipline, plutôt considérée comme un facteur de sécurité pour les personnes détenues. En 2016, les difIcultés d’effectif de l’établissement, la faible expérience d’une part importante du personnel et l’insufIsance de l’encadrement ont profondément modiIé le caractère de cette discipline. Autrefois objective et ferme, elle est devenue illisible et brutale. climat de tension permanente suscite un usage banalisé de la force et des violences Les contrôleurs ont reçu de nombreux témoignages, tant de la part de personnes détenues que de la part de professionnels, faisant état d’un usage banalisé et immédiat de la force sans que la nécessité de son utilisation soit toujours avérée et sans que des mesures tendant à l’éviter aient été prises préalablement. Dans d’autres établissements, le recours à la force est, le plus souvent, précédé de mesures progressives destinées à ramener le calme et à n’utiliser la force qu’en dernier recours intervention d’un tiers à l’incident initial, souvent choisi dans la hiérarchie premier surveillant ou ofIcier, puis utilisation de la force de manière à la limiter à ce qui est strictement nécessaire et, en tous cas, en veillant à ce que la proportionnalité soit respectée entre le niveau de violence de la personne détenue et les moyens employés pour la faire cesser. A la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes, ces pratiques ne semblent pas avoir cours. De nombreux témoignages et des constats directs des contrôleurs ont montré que l’alerte était donnée dès le premier signe d’opposition d’une personne détenue ; que dans ce cas les surveillants se précipitaient, dans des conditions ne garantissant pas le caractère strictement nécessaire » de la force employée, notamment quant au nombre des intervenants ; qu’en conséquence la proportionnalité de la réaction, qui seule permet de distinguer la force légitime de la violence abusive, n’était pas respectée. Ainsi, l’observation directe d’une situation par un contrôleur et sa vériIcation le lendemain à partir d’images de vidéosurveillance a montré que, face à un blocage » 4 sans violence, l’alarme avait été immédiatement déclenchée et la personne détenue immédiatement maîtrisée par la force, puis conduite au quartier disciplinaire dans une position douloureuse, les bras relevés et tendus dans le dos, alors même qu’elle ne se débattait pas. Un coup de pied lui a été asséné alors qu’elle était immobilisée. Le lendemain, la comparaison du compte rendu d’incident et de la vidéosurveillance montrait des divergences importantes le compte rendu faisait état d’une bousculade d’un surveillant par la personne détenue alors que les images ne conIrmaient pas cette information ; de même le compte rendu d’incident faisait état de l’emploi d’une force physique strictement nécessaire », alors même que plusieurs témoins l’avaient considérée comme étant disproportionnée. Un intervenant, présent à temps complet dans l’établissement, a indiqué qu’une telle scène était habituelle ». Des actes de violence de la part de certains membres du personnel ont également été rapportés au cours de plus de dix pour cent des 190 entretiens conIdentiels que les contrôleurs ont effectués pendant les deux semaines de visite. Des entretiens avec des professionnels, y compris parmi le personnel de surveillance, l’ont conIrmé. La fréquence avec laquelle des violences sont alléguées est telle qu’il est impossible de douter de leur réalité. Les violences entre personnes détenues sont fréquentes. Le personnel de l’unité sanitaire témoigne d’une augmentation des traumatismes physiques liés à l’augmentation de la population pénale. Des zones de risque sont clairement identiIées les douches dans lesquelles les personnes détenues sont enfermées sans surveillance, les salles d’attente où règnent saleté et promiscuité, également sans surveillance, et les cours de promenade, dans lesquelles les personnes détenues sont entassées avec une surveillance illusoire sachant qu’un surveillant unique est chargé d’une douzaine de cours alors qu’il ne peut en voir que deux ou trois simultanément et qu’il n’a pas accès à la vidéosurveillance. l existe au sein de la maison d’arrêt de Fresnes un réel climat de tension » et d’affolement » dont les contrôleurs ont pu être à maintes reprises les témoins. Cette ambiance se traduit par des cris constants et un manque de respect envers les personnes détenues, qui conIne à la violence verbale. Le personnel étant en nombre insufIsant, il se trouve dans une situation de tension et de faiblesse incompatible avec un usage serein et proportionné de la force. Cette situation ne trouve cependant pas de traduction dans des plaintes pénales pour violences ou des sollicitations du personnel médical. Selon certains soignants, la crainte de mesures de rétorsion vis-à-vis des personnes détenues pourrait expliquer le faible nombre des signalements. Des mesures disciplinaires très lourdes ont été récemment prononcées à l’encontre de trois surveillants. Néanmoins, cela ne saurait sufIre à résoudre une difIculté qui ne repose pas seulement sur des comportements individuels. Des mesures d’organisation, de formation et d’encadrement sont nécessaires. 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 Les comptes rendus d’incident doivent faire l’objet d’un contrôle systématique de la direction et des mesures immédiates doivent être prises, en particulier par des actions de formation et par un renforcement déterminé de l’encadrement, aIn de mettre un terme au climat de violence qui imprègne l’établissement. Chaque cas de recours à la force doit faire l’objet d’un retour d’expérience » en présence d’un membre de la direction. pratiques locales attentatoires aux droits fondamentaux subsistent, qui sont contraires aux textes législatifs et aux recommandations du CGLPL De nombreux dysfonctionnements déjà signalés auraient dû trouver remède sans qu’il soit nécessaire d’engager des dépenses ou d’attendre des mesures relevant d’autorités externes. La pratique des fouilles à corps et l’utilisation de locaux dénommés salles d’attente » sont les cas les plus graves en termes de respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Le recours aux fouilles à corps fait l’objet de pratiques locales qui violent les droits des personnes détenues et ne sont pas conformes à la loi. En effet, les fouilles à corps doivent être expressément motivées, soit, en application de l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 dans sa rédaction initiale, par le comportement de la personne fouillée, soit, depuis la modiIcation de cet article par la loi du 3 juin 2016, par un risque particulier identiIé au niveau de l’établissement. A la maison d’arrêt de Fresnes, une note interne d’application déInit des critères de recours aux fouilles à corps qui sont si extensifs qu’en pratique la fouille à corps devient la règle et non l’exception. En témoigne le fait que les surveillants ne disposent pas d’une liste des personnes à fouiller, mais seulement de celles qui ne doivent pas être fouillées. Plus grave encore, en deuxième division, nonobstant l’existence d’une liste de personnes qui ne doivent pas être fouillées, les fouilles à corps sont systématiques, ce que l’encadrement de la division semblait ignorer avant que le CGLPL le lui révèle. Les personnes détenues qui bénéIcient de doubles parloirs sont même fouillées à deux reprises au motif qu’elles retournent en salle d’attente ou en cellule entre les deux périodes de parloir. Les fouilles à corps ne doivent être pratiquées que dans les situations prévues par la loi, sur le fondement d’une décision motivée et seulement lorsqu’elles sont nécessaires ; elles doivent être effectuées de manière proportionnée au risque identiIé. L’utilisation mal contrôlée de locaux ofIciellement dénommés salles d’attente », mais localement désignés sous l’appellation de placards », est particulièrement indigne et brutale. La gestion de mouvements entraînant des ux massifs et fréquents peut justiIer le recours ponctuel à de telles salles d’attente. Néanmoins, les conditions de leur usage sont abusives. l s’agit en effet d’espaces réduits en réalité la surface d’une cellule, sans sanitaire, non pourvus de point d’eau ni, pour la plupart, de banc, dans lesquels les personnes détenues sont placées, debout et parfois très nombreuses jusqu’à trois par mètre carré. Ces dernières peuvent y rester de longues heures, quelquefois dans l’attente d’un entretien qui n’arrive jamais pour des motifs incertains. Les personnes détenues placées dans ces locaux pour une longue durée sont parfois contraintes de faire leurs besoins sur place, malgré la cohue, sans que rien ne soit prévu pour cela. Des brutalités et des violences se déroulent dans les placards » hors de tout contrôle. Le soupçon de placements au placard » pour des motifs infra-disciplinaires est largement répandu dans la population pénale. Les salles d’attente doivent être aménagées conformément à leur destination, utilisées dans la limite des places offertes et pour des durées compatibles avec un délai d’attente raisonnable que l’administration doit déInir et contrôler. D’autres anomalies grossières qu’un peu d’attention aurait sufI à supprimer et qui portent atteinte à certains droits fondamentaux ont inexplicablement échappé à la vigilance des responsables locaux – une liste des patients bénéIciant de traitements de substitution aux opiacés, intitulée CSAPA » 5 est afIchée à côté de la salle d’attente et visible de tous ; cette pratique porte atteinte au secret médical 6 et met en péril la sécurité des personnes détenues susceptibles d’être victimes de racket ; – la langue créole est fréquemment utilisée pour les échanges professionnels entre surveillants 7, ce qui limite le contrôle hiérarchique et donne aux personnes détenues un sentiment d’incompréhension des décisions qui les concernent ; – le tutoiement des personnes détenues par les surveillants est quasi systématique et des témoignages de propos agressifs, dégradants ou humiliants que l’on peut assimiler à des brimades ont été rapportés aux contrôleurs dans des proportions jamais observées auparavant 8. * * * La visite réalisée à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes a montré que cet établissement ne présentait pas les conditions structurelles permettant d’accueillir la population pénale dans le respect de ses droits fondamentaux. La surpopulation exceptionnelle empêche un hébergement dans des conditions conformes aux normes retenues par le CPT. L’insufIsance numérique et l’inexpérience du personnel ne lui permettent pas de faire face au minimum de tâches nécessaires au respect de l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 9. Les conditions d’hygiène, que l’invasion des rats et des punaises sufIt à caractériser, constituent une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Bien que cette situation soit connue des autorités administratives et judiciaires comme des élus locaux, aucune mesure tendant à la corriger n’est prise. En outre, le manque d’encadrement nuit gravement à la maîtrise des pratiques professionnelles. 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 Dans de telles conditions, des tensions importantes existent, tant parmi les personnes détenues qu’entre le personnel et la population pénale. Un climat de violence constant règne dans l’établissement, selon des témoignages abondants et les constats directs des contrôleurs, et l’usage de la force n’est ni maîtrisé ni contrôlé. Le CGLPL considère en conséquence que la maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Fresnes doit faire l’objet, d’une part, de mesures urgentes concernant la surpopulation pénale, la rénovation de l’immobilier et l’effectif des surveillants, et d’autre part, d’une reprise en mains du fonctionnement de l’établissement, notamment aux Ins de faire cesser le climat de violence. ïl est demandé au ministre de la justice de faire procéder à une inspection approfondie de l’établissement et d’informer le CGLPL de ses conclusions ainsi que du suivi de leur mise en œuvre. 1JOdu 30 juin 2015, texte 126. 2Espace vital par détenu dans les établissements pénitentiaires normes du CPT,15 décembre 2015. 3 Ce conseil, coprésidé par le préfet, le président du TG et le procureur placé près ce tribunal, réunit des représentants des collectivités locales, des autorités judiciaires, du barreau et de l’administration pénitentiaire. 4 Refus sans violence d’exécuter un mouvement prescrit. 5 Centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie. 6 Art. L. 1110-4 du code de la santé publique. o er 7 Loi n 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, art. 1 . o 8 Loi n 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, art. 22. 9 L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. » 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ANNEXE Texte 131 sur 161 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 14 décembre 2016 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 131 sur 161 Détenu à Fresnes entre 2015 et 2017, M. T. a fait condamner l’établissement pour ses cours de promenade indignes. Afin de prendre la mesure de la situation et des travaux qu’il convient de réaliser, les magistrats ont décidé de se rendre sur place. L’ancien détenu repasse avec eux les portes de la prison, cette fois en homme libre, et en position de demander des comptes à l’administration pénitentiaire. Récit d’une visite exceptionnelle. Dans sa requête, M. T. avait notamment pointé l’exiguïté des cours par rapport au nombre de détenus, l’absence de points d’eau et d’urinoir, l’absence d’abri et d’assises, ainsi que l’absence de surveillance pendant la promenade. L’état de délabrement et d’indignité des cours avait par ailleurs été régulièrement signalé par les instances de contrôle française et européenne le Comité européen pour la prévention de la torture CPT et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté CGLPL avaient entre autre signalé la présence importante de rats et les conséquences pour les détenus, qui ne s’asseyent plus au sol dans les cours de promenade, mais doivent se contenter de s’accroupir ou de s’adosser, et lorsqu’elles veulent jouer aux cartes, elles ne les posent pas par terre mais dans les mains d’un codétenu, qui servent de table de jeu »[1]. Les cours de promenade de la maison d’arrêt de Fresnes ©Grégoire Korganow/CGLPL Dans la salle de crise Réunis dans la salle de crise » de Fresnes, on s’installe pour une véritable confrontation le requérant et la défense d’un côté nous, quatre magistrats, et toute l’administration pénitentiaire en face – il y a le ministère, la DAP, la DI[2] et la direction de Fresnes. C’est là que je me rends compte que l’administration a vraiment mis les bouchées doubles il y a du monde. On sent une grosse tension. Personnellement, à ce moment-là, je me dis que j’ai déjà gagné, parce que l’administration est en stress, parce qu’elle va recevoir des magistrats et qu’elle sait qu’elle est en tort. Le président explique tout de suite qu’il vient pour voir sur place ce qu’il est concrètement possible de faire il semble clair que pour lui, il est hors de question de revenir sur le fait que des travaux seront exigés. Ça a assez duré ma requête date de 2015, on est en 2018. Mais il veut que ce soit une décision pragmatique. Il y a justement dans cette pièce une grande photo aérienne de Fresnes sur laquelle on voit très bien toutes les petites alcôves des promenades – il y en a plus de 140. Elles sautent aux yeux, comme une anomalie sur la photo un espace très petit dans un grand ensemble. Le président demande alors si c’est spécifique à Fresnes. La responsable du parc immobilier lui répond par un speech de quinze minutes qui endort tout le monde, expliquant que l’administration a toujours été d’accord pour faire des travaux mais qu’il faut les intégrer dans un projet d’ensemble qui porterait sur toute la région parisienne autrement dit, si on prévoit des travaux à Fresnes, il faut aussi en prévoir à Fleury, et ainsi de suite… et que le tout soit inscrit dans un grand calendrier. Moi, pendant ce temps, je boue intérieurement. L’administration joue le jeu du flot d’informations inutiles, comme quand des journalistes ou des parlementaires viennent, elle sort de grands discours qui ne correspondent absolument pas à la réalité. Alors que très concrètement, il y a des libertés fondamentales en jeu, on s’égare dans des considérations techniques. On a des gens qui souffrent autour de nous. Qu’est-ce qu’on peut faire pour les soulager ? Mettre des bancs, des robinets ? Voilà, parlons de ça ! Mon avocat la reprend Si nous sommes venus aujourd’hui, ce n’est pas pour entendre le discours habituel de l’administration mais pour trouver une solution. Très concrètement, est-ce qu’abattre les murs, ce n’est pas une solution ? » Le directeur technique évoque alors le problème des canalisations ». – Il y a des canalisations dans les murs ? – Non, en sous-sol. – Alors si c’est en sous-sols, on peut casser les murs ? Ils sont obligés de reconnaître que c’est possible. En promenade Le premier détail marquant, c’est que la prison est très propre – c’est tellement propre que tout le monde se regarde, étonné, parce qu’ils connaissent la réputation de Fresnes ! Les abords aussi sont propres. Dans cet espace de dix-quinze mètres, semi-bétonné, qui est juste en dessous des fenêtres et qui sépare le bâtiment des cours de promenade, d’habitude il y a toute la bouffe que jettent les mecs par les fenêtres, et il y a tous les rats, c’est extrêmement sale. Ce que j’ai connu ultra dégueulasse, là c’est nickel, ça a été très bien nettoyé. Une cour de promenade de la maison d’arrêt de Fresnes © Bernard Bisson/Divergence On rentre dans la première promenade, une grande promenade, comme je le fais remarquer au président. Ce qui est intéressant – enfin, intéressant… – c’est qu’il y a des bouteilles remplies d’urine dans la cour puisqu’il n’y a pas d’urinoirs, les mecs, pendant leur promenade, ils font pipi dans des bouteilles et les jettent par-dessus le mur, dans la cour voisine. Aux fenêtres, des mecs criaient C’est pas comme ça d’habitude, c’est dégueulasse, il y a des rats, là ils ont tout lavé, on n’a pas de draps… ». La litanie des plaintes. Je pense que c’était un peu impressionnant pour les magistrats et pour l’administration. On ne s’est pas retrouvés devant un établissement vide, on était vraiment dans le rythme de la prison. Moi ça m’a rappelé ce que j’avais oublié c’est extrêmement bruyant, toute la journée – et ce n’est pas du petit bruit… Tu as en permanence dix ou quinze voix de mecs en train de crier. Toute la délégation est curieuse, pose des questions, regarde, très attentive. Même les gens de l’administration pénitentiaire, on ne les sent pas à domicile, on les sent en visite, ils n’osaient même pas lever les yeux. Craintifs. Je trouve ça un peu bizarre, puisque normalement c’est chez eux tu es membre de l’administration pénitentiaire, tu rentres dans une prison, tu ne regardes même pas les gens. Si même toi tu as peur en prison… L’administration joue le jeu ils nous amènent là où on le demande, et le directeur de Fresnes répond aux questions, il n’essaye pas de tricher. On va donc ensuite dans une promenade plus petite, et je dis aux membres de la délégation – ils sont une vingtaine Voilà, imaginez-vous à vingt dans cet espace tous les jours, en sachant que chacun a des besoins – marcher, courir… Vous devez vous organiser là-dedans sans que ça crée d’incidents. » Quand on est rentrés dans la deuxième promenade, le président a demandé si les murs de séparation étaient épais, dans l’idée de les détruire, j’imagine. Alors pour lui montrer que ce n’était pas très épais, j’ai fait ce qu’on fait quand on veut appeler la promenade d’à-côté j’ai tapé fort avec la paume, et tout le monde a entendu que c’était tout fin et possible de casser. Les magistrats posent des questions, ils regardent. Le président voulait savoir quand est-ce qu’on lavait les cours de promenade à grande eau. Il y a des rats, l’idéal serait de nettoyer tout le temps – et c’était aussi l’idée de mon avocat, de demander à intensifier encore le nettoyage L’effort que vous avez fait pour ce soit propre aujourd’hui, c’est ce qu’on aimerait tout le temps. » Le directeur a alors expliqué que c’était impossible parce que les sols n’étaient pas tous bétonnés, mais aussi parce que les évacuations des eaux avaient été bouchées pour bloquer le passage des rats. Il y a bien la pente pour que l’eau ruisselle, mais c’est bouché ! Et c’est pareil quand il pleut ça fait des mares dans le fond. Or, c’est dans le fond qu’il y a l’abri. Donc soit tu t’abrites et tu as les pieds dans l’eau, soit tu ne t’abrites pas ! On va aussi voir un espace qui sépare les deux rangées de promenade et les bâtiments, une grande cour qui sert à faire du sport. C’est intéressant parce que l’administration semblait décrire l’établissement comme un lieu où il n’y a pas d’espace. Quand le directeur a fait sa petite présentation, avec la photo, à aucun moment il n’a désigné cette cour. Mais sur place, on voit de grands espaces aménagés, avec des petits oliviers partout, du gazon synthétique, une quarantaine de mecs qui jouent au foot… Je précise alors que c’est bien beau d’avoir de grands espaces, encore faut-il pouvoir y accéder le sport, c’est réservé à quelques privilégiés. Il y en a qui attendent six mois pour pouvoir y aller, d’autres, le lendemain de leur arrivée, ils sont inscrits. La surveillance On a visité le premier système de surveillance une guérite qui longe toutes les promenades et à l’intérieur de laquelle se trouve un surveillant pour dix ou quinze promenades. Une fois là-haut, le déficit est flagrant le surveillant est tout seul, et il y a quinze courées qu’on voit en plongée, avec une quinzaine de mecs par promenade, et de la tension. Voilà, ça c’est Fresnes. La délégation a pu voir ça, et c’est bien. Ils se faisaient interpeller par les mecs, le surveillant était débordé, il ne pouvait rien faire. S’il y a vraiment un incident, le temps qu’il réagisse, le mec a le temps de mourir. Normalement, dans chaque promenade il y a deux caméras. Alors après, on est allé dans la salle de contrôle vidéo c’est une pièce qui est située à l’entrée de la prison, qui tient aussi lieu de parloir pour les avocats et qui est habillée d’écrans, eux-mêmes sous-divisés en plusieurs écrans. Tu peux voir là à peu près toute la vie de la détention. Le président a demandé à voir l’écran qui correspond aux caméras de la promenade… Mais il y avait tous les écrans de la prison sauf ceux des promenades ! Ils sont ailleurs, dans une pièce exiguë le PIC [poste d’information et de contrôle]. Le PIC, c’est l’endroit où l’on gère l’ouverture des portes c’est un endroit où la personne qui surveille n’est jamais tranquille. Je ne vois pas comment la surveillante peut en même temps gérer le PIC et surveiller les promenades, c’est impossible ! Elle doit être très vigilante sur qui passe, demander les badges… Et s’il y a un problème en détention, elle est responsable. Pourtant, c’est là-bas qu’on a mis les écrans de surveillance des promenades, c’est la preuve qu’on s’en fout un peu de ce qui se passe dans les promenades. C’est aussi dans cette pièce qu’il y a les enregistreurs on comprend que les caméras servent uniquement en cas d’incident. Ce n’était pas une visite anodine » À la fin de la visite, tout le monde est bien marqué, ça se voit physiquement – ce qui n’est pas plus mal en fait, pour qu’ils comprennent bien. Eux ils y passent deux heures, mais il y a des gens qui passent toutes leurs journées comme ça. Et de toute façon, l’administration ne conteste absolument pas le fait que ce soit inhumain ! C’est ça qui rend le truc encore un peu plus révoltant. On sait que la situation n’est pas normale du tout, et on ne fait pas ce qu’il faut pour l’arranger. Moi, pendant ce temps, j’essayais de compenser tout ce que ce retour en prison provoquait en moi en me disant que j’étais là pour quelque chose, et que j’avais réussi quelque chose. Je suis venu parce que j’ai fait cette action en justice pour demander la mise aux normes des cours de promenade, et ça va servir. C’est là que j’ai compris que la vengeance, ce n’est pas que négatif. Parce que ça tient en vie tant qu’on ne l’a pas. Ensuite, quand ça arrive, ça devient une revanche. Je pensais que ça me ferait plus, en fait, mais quand même, c’est un sentiment incroyable ! Et à partir du moment où tu vis ce genre de choses, tu ne peux que refaire confiance au droit. Et quand tu refais confiance au droit, ça veut dire que tu reviens dans le système. Le droit protège. Et quand tu es en détention, tu es faible. Ça a l’air anodin, mais pour moi cette décision elle est importante, et elle pourrait aussi être importante pour d’autres. Elle redonne confiance dans le système, et ça c’est énorme, ça vaut tout. Une sensation énorme Ce sentiment de revanche, je l’avais déjà connu par le passé, quand j’étais en maison d’arrêt à Douai. J’ai un peu réglé mes comptes avec certains surveillants qui avaient des pratiques bizarres, et j’ai réussi à leur faire connaître ce qu’ils nous font connaître, c’est-à-dire à les mettre dans une situation où ils doivent rendre des comptes devant les forces de l’ordre. C’était en 2004, une histoire de trafic de télévisions et de réfrigérateurs, une série de combines. Ils se sont fait arrêter devant la prison, ils ont été enfermés en garde à vue, et moi, en tant que plaignant, j’étais enfermé aussi, avec eux, mais j’avais la chance d’être dans une cellule de laquelle je pouvais voir les écrans qui filmaient leurs cellules. Je les ai donc vus en garde à vue. C’est une sensation énorme – c’est primaire, c’est bidon, mais ça fait du bien ! Parce qu’ils étaient comme nous, angoissés ou détruits, certains faisaient les cent pas, certains pleuraient, certains étaient assis prostrés… Le bruit, l’odeur et le temps Si je voulais me concentrer sur moi-même, sur ce que je ressentais, c’était oppressant. Alors j’ai vécu la visite comme un touriste. Mais les premiers trucs qui me revenaient, c’étaient les bruits et les odeurs. Et immédiatement, la pensée d’après, c’est pendant combien de temps ? Le cheminement c’est bruits, odeurs, visages, atmosphère, et la question de la durée. Ça te prend, c’est une angoisse qui monte. C’est une angoisse que tous les taulards ont, mais peu en parlent. Quand tu penses prison, c’est nécessairement rapporté au temps ça fait combien de temps que je suis là ? Dans combien de temps je sors ? Dans combien de temps j’ai parloir ? Dans combien de temps la promenade ? Ça va durer combien de temps ? Il reste combien de temps de promenade ? Dans combien de temps j’ai mon rendez-vous ? Dans combien de temps vient me chercher le surveillant ? C’est toujours du temps, mais sur lequel tu n’as aucune maîtrise. J’ai tellement vécu ça… Tu as l’impression que tu es reparti dedans. Alors tu te rassures en te disant Je vais sortir. » [1] CGLPL, Recommandations en urgence relatives à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes, novembre 2016. [2] Direction de l’administration pénitentiaire et Direction interrégionale des services pénitentiaires. Une infirmière âgée de 34 ans a été violemment agressée par un détenu, dimanche matin, à la maison d’arrêt de Nanterre Hauts-de-Seine. Ce déséquilibré incarcéré pour meurtre a tenté de l’égorger en utilisant une lame de rasoir. Il est 8h30 ce matin-là lorsque cette professionnelle de santé fait sa tournée pour distribuer les médicaments des prisonniers. La trentenaire est accompagnée d’une surveillante et les deux femmes entendent soudain des cris et de lourds coups portés sur une porte. Elles se rapprochent de la cellule de Rachid, 35 ans, un homme qui est incarcéré depuis le mois de juillet dernier après avoir commis un meurtre. Ce détenu est suivi pour des soins psychiatriques et il est très agressif, explique la victime. Il y a quinze jours, il était au quartier disciplinaire. Et au mois de mars, il avait annoncé qu’il y a des balles qui se perdent en s’adressant au personnel soignant. » Les deux femmes attendent et le silence plane quelques minutes. La gardienne entrouvre la porte de deux centimètres pour parler avec le prisonnier. Le détenu la repousse et saute sur l’infirmière, armé d’une lame de rasoir. J’ai senti une griffure au niveau du cou et la surveillante s’est interposée. Il a tenté de s’en prendre à elle. Je l’ai frappé sur l’épaule avec mon panier de médicaments en lui hurlant de s’arrêter. Et il s’est apaisé avant de me demander ce que j’attendais pour lui donner son traitement », ajoute-t-elle. … Le Parisien

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